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[SEMINAIRE GENERAL] « Un nouveau droit pour l’anthropocène ? Vers un droit des relations humains/non-humains ? » – 22 avril 2021

Lors de la dernière décennie, une série de nouvelles lois ont permis d’attribuer la personnalité juridique à certaines rivières : après la rivière Whanganui en Nouvelle-Zélande, reconnue en 2017 comme « entité vivante et indivisible » et sujet de droit représenté notamment par les Maoris, le Gange et le Yamuna en Inde, ce fut récemment le cas de la rivière Magpie, située en territoire inuit au Canada, reconnue comme personne juridique en Février 2021. La multiplication de ces cas témoigne en effet d’un « mouvement » international de personnification des entités naturelles – souvent habitées par les peuples relevant parfois de ce que P. Descola appelle « l’animisme » –, qui suscite une fascination réelle dans nos sociétés modernes et naturalistes. Ainsi, selon l’anthropologue Philippe Descola, donner une personnalité juridique à un milieu de vie induit un changement central et souhaitable, qui pourrait « désanthropocentriser » notre système juridique. Les juristes de l’environnement en Europe s’en inspirent pour repenser les notions de « solidarité écologique », ou de « préjudice écologique pur ».  

En effet, ces initiatives pour l’instant lointaines permettent de repenser le statut juridique de la terre – en l’occurrence des écosystèmes habités par des communautés humaines – non plus comme une chose possédée par des personnes humaines, mais comme un sujet ayant des droits. Or, quelles seraient les limites philosophiques, politiques et juridiques de cette inspiration, au-delà de la fascination à l’égard des cosmologies animistes ? Par ailleurs, quelles sont nos ressources proprement naturalistes qui permettraient de penser le statut juridique, politique et ontologique des écosystèmes habités par les humains comme des entités unifiés ? 

En somme, le cas spécifique de la personnification juridique des êtres naturels est une occasion pour s’interroger sur les conflits qui traversent actuellement le droit de l’environnement, abordé comme un outil par lequel nos sociétés tentent de se réorganiser face aux dérèglements écologiques et sociaux de « l’anthropocène ».

Ferhat Taylan est maitre de conférences en philosophie de l’environnement à l’Université Bordeaux Montaigne. Il est notamment l’auteur de Mésopolitique. Connaitre, théoriser, gouverner les milieux de vie (1750-1900), Éditions de la Sorbonne, Paris, 2018.

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